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LA FONDATION DU TAIJUTSU

 

La qualité de notre taijutsu dépend de la profondeur de nos bases. Mais qu’est-ce que le taijutsu et que sont réellement nos fondations ?Le taijutsu est souvent compris comme le mouvement du corps seul, mais quand vous êtes habitué à sensei Hatsumi et à sa vision de la vie, il est toujours intéressant de creuser un peu plus et voir ce que les mots qu’il utilise signifient vraiment afin de comprendre et de pouvoir lire entre les lignes.

Premièrement le kanji 術, jutsu veut dire soit l’art, les moyens, ou la technique comme nous le savons, mais c’est avec les diverses significations du mot tai que nous avons pénétrons la subtilité du message.

 

Lorsque vous regardez les trois sens de « tai » vous découvrez qu’ils peuvent tous s’appliquer à notre pratique.体, tai a 3 significations principales:

  1. le physique ; la posture ; le corps

  2. la forme, le style

  3. la substance , l’identité, la réalité.

 

Taijutsu est un jutsu fait avec le corps qui va du pur omote (le corps) pour entrer dans le monde du ura (la réalité). Il s’agit d’intégrer le taigamae (体構え) et le kokorogamae (心構え). Il s’agit d’un taijutsu centré sur soi et c’est le sens premier et commun de ce mot.

 

Mais tai peut aussi s’écrire avec le kanji 対, et ce tai élargit notre compréhension du taijutsu parce qu’il a les sens de :

  1. faire face, opposition

  2. contre, opposé

  3. égalité ; être sur un pied d’égalité

  4. contre ; anti.

 

Cela amène à une nouvelle compréhension du mot taijutsu qui est en expansion et qui ajoute l’idée de combattre un ennemi et d’équilibrer les forces de l’adversaire. Maintenant, nous quittons le recentrage solitaire et intégrant l’adversaire dans nos actions. Le centre est devenu bipolaire, inyo ; l’homme a fini de lutter contre lui-même, il lutte maintenant contre un autre homme.

 

Ecrit avec le kanji 队, nous entrons dans une dimension encore plus vaste qui précise l’idée originelle mais qui l’étend encore plus.Ce dernier tai signifie :

  1. parti ; société,

  2. corps (de troupe); troupe,

  3. entité, armée.

 

Maintenant ce taijutsu élargit inclut donc l’idée de combattre une armée et d’interagir avec nos amis et nos ennemis.

 

La chose intéressante dans cette explication des sens possibles d’un groupe de sons c’est qu’en recherchant les différentes compréhensions de « tai » nous sommes passés du niveau de :

1) l’apprentissage solitaire ; 1

2) à la rencontre de l’adversaire ; 1 contre 1

3) au champ de bataille. x contre x

 

Alors le taijutsu doit être compris comme un système général préparant le corps et l’esprit pour avancer du niveau du débutant à celui d’avancé.

 

Nos fondations reposent sur la qualité de nos bases. Nous les apprenons d’abord seul, puis avec un partenaire et ce processus dure des années. Le taijutsu nous aide à grandir dans la forme du omote pour finalement atteindre à l’essence du ura. Nous passons progressivement du visible à l’invisible ; de la forme à l’esprit ; de la pensée à l’intuition.

 

En japonais, 大本 est le kanji pour fondation. Il se lit soit «taihon » (Taihen?) soit « Ômote » (omote?). Peut-être est-ce là la façon dont nous devons comprendre sensei quand il parle de 実践 jissen (pratique ; appliquer ; mettre en pratique) et de 実戦 jissen (combat; combat réel).

Nous devons toujours garder à l’esprit ce que sensei a répété à plusieurs reprises en cours à propos des densho : « les densho ont été conçus pour les enfants (débutants) » et c’est pour cela que les techniques doivent être enseignées mécaniquement étape par étape. Une technique doit être simple pour qu’elle puisse être saisie par un enfant de 10 ans.Historiquement, le jeune samouraï commencait sa formation aux techniques guerrières aux alentours de 10 ans et était considéré comme “adulte” à 15 ans. A 15 ans il était autorisé à se rendre au champ de bataille (et à y mourir).

 

En fait, les 15 dan du Bujinkan ont été créés par sensei aussi pour symboliser cela. Lorsque vous commencez vous êtes un débutant et puis après de nombreuses années vous atteignez l’âge adulte et devenez responsable de vos propres actions, vous êtes jûgodan. Mais sans de bonnes bases votre taijutsu manquera de crédibilité (et vous mourrez à la première bataille).

Par conséquent, notre évolution dans l’apprentissage par les trois tai définis précédemment doit nous guidera dans notre maîtrise de taijutsu. Nous passons progressivement du taijutsu (体術) au taijutsu (队術) qui comprend l’utilisation de yoroi et des armes.

 

Le premier tai (体, le corps) est la traduction moderne (19° siècle), mais par le passé tai englobait aussi l’esprit, les armes et les yoroi. Si vous y pensez c’est tout à fait logique. Comme nous l’avons dit plus tôt, le jeune samouraï (des enfants) ne sont pas en mesure de comprendre les subtilités des techniques de haut niveau y compris et surtout les techniques avec armes. Ainsi, afin de s’en tenir au principe de simplicité KISS (Keep It Simple & Stupid), les formateurs ont simplifié les techniques en enlevant les armes et se mirent à enseigner le combat à mains nues exclusivement.

 

C’est pourquoi dans le bujinkan nous commençons notre formation par le combat à mains nues. Sur le champ de bataille un guerrier porte toujours ses armes et le combat à mains nues était rarement utilisé.

Le fondation de notre taijutsu est un ensemble de bases acquises en combat à mains nues et regroupées par sensei dans le tenchijin ryaku no maki publié en japonais en 1983 puis mis à jour et publié en anglais en 1987. Une fois maîtrisé le taijutsu sans armes, il est complété par l’apprentissage de toutes les armes habituelles des samouraïs et le yoroi pour créer un mouvement fluide et naturel.

C’est pourquoi on peut dire que le tTijutsu (体術) est le vrai fondement du Taijutsu (队術).

 

ARNAUD COUSERGUE

 

 

 

 

 

 

Le Senpai et le Kôhai

‘Savoir jusqu’où il ne faut pas aller trop loin’

Pratiquant un art martial, tout un chacun est censé avoir une approche, une vague connaissance de cette notion « Senpai-Kôhai ». Simplement parce qu’il apparaît qu’aujourd’hui elle est de plus en plus vague dans la tête des pratiquants, je souhaite mettre noir sur blanc une approche, que j’espère être la plus exhaustive, de cette notion. Considérons tout d’abord que la pratique d’un art martial japonais dans un univers européen amène une opposition ipso facto, qui si on n’y prend garde, peut empêcher notre progression dans la technique. Cette opposition est d’ordre culturel. Le fondement de la société japonaise est le groupe, celui de la société européenne est l’individu. Prenant des cours au Japon, prenant des cours enseignés à la japonaise, enseignant à la japonaise, le modus operandi devient le mode japonais. En conséquence de quoi, vis-à-vis du Ninjutsu / Budô Taijutsu / Ninpô dont nous tentons de suivre la voie, la considération du groupe prend le pas sur la notion de l’individu. Les individus pratiquants s’inscrivent donc dans un groupe, dont l’évolution n’est possible que suivant cette notion de Senpai-Kôhai, naturelle pour un japonais, beaucoup moins évidente pour un européen. Pour une image plus conviviale de la notion de groupe, regardez de nouveau le film ‘Fourmiz’…« Docteur, j’ai l’impression de n’être rien… Bravo Zed, vous faites des progrès, vous n’êtes rien, la colonie est tout… » Fourmiz. Nous évoluons donc, pour notre progression martiale, dans une mentalité japonaise fondée sur le groupe. Nous pouvons maintenant nous pencher sur ce que sont le Senpai et le Kôhai. L’ancien et le novice. L’interaction entre les deux donne la notion de Senpai – Kôhai. De quel type est cette notion. Dans quel cadre est cette notion. Un cadre flou non contraignant, ou bien un ordonnancement un peu plus strict ?Le japonais, de par son histoire culturelle, va définir cette notion comme étant une relation. Cette relation est pour lui un cadre très fort, il n’est pas question de désobéir à une demande de son Senpai. Il va le servir, c’est, pour lui, dans la norme des choses, le Senpai est son modèle, sur lequel il doit conformer son attitude et son comportement, celui qui connaît bien mieux que lui le système dans lequel il évolue. Une relation d’où il n’est admis aucun écart, il peut être dit que pour un esprit occidental, il s’agit d’une Loi. Je préfère parler de la Loi de la Relation Senpai-Kôhai. C’est une Loi qui a des bords souples, qui admet la flexibilité, sur une base fixée par le Senpai et/ou la situation. Un peu comme si il fallait s’adapter à chaque instant. Pour des pratiquants, c’est là chose habituelle, une gymnastique intellectuelle qui ne doit poser aucun problème…« Senpai et Kôhai ? Une Loi Relationnelle ! » Selon l’acception japonaise, la Loi Relationnelle Senpai-Kôhai est lourde à tout point de vue. Le Senpai est plus ancien dans le dôjô (école, entreprise, université, association, il en va de même pour les japonais, c’est un fondement culturel) [la répétition est une des bases de l’enseignement]. À ce titre, il est censé connaître les ficelles, les règles, écrites ou non, montrer l’exemple au Kôhai. Il doit être un modèle martial et de comportement (pour les mono-neuronaux amyélinique, à la fois pour les techniques et l’attitude – ie le kamae, mais c’est un autre sujet -). L’attitude d’un Kôhai envers son Senpai est fondée, caractérisée par la formalité, l’obéissance et la confiance. Au Japon, le Kôhai doit toujours s’incliner devant son Senpai et utiliser le « Keigo » pour lui parler (phrasé poli pour montrer la déférence). Le Kôhai est entraîné à servir son Senpai comme dans un système hiérarchique militaire. Rejeter l’ordre d’un Senpai est considéré comme une impolitesse, une insulte, et comme faisant une rupture dans l’harmonie du groupe. Ce qui n’est pas concevable dans la société japonaise. Donc sur le tatami, puisque le système japonais y est appliqué, ainsi que nous l’avons posé plus haut.Le système est très comparable à une hiérarchie militaire (si il y en a qui ne sont pas d’accord, je leur demanderais simplement de relire la définition du Bû 武 : militaire). Donc la subordination est basée sur la confiance et le respect, car le supérieur s’il reçoit le respect de ses subordonnés, reçoit aussi les complications dues à leur comportement. En clair, le comportement répréhensible du Kôhai sera reproché au Senpai qui en supportera les conséquences. « Senpai et Kôhai ont un respect mutuel & réciproque » Au Japon, comme sur le tatami, votre attitude si elle répréhensible, sera reprochée à vos Senpai, en commençant par le sommet de la pyramide. Pourquoi ? Simplement parce que si le Kôhai a pu commettre un impair, c’est que son Senpai ne l’avait pas correctement formé, instruit. Sa responsabilité est mise en jeu. La Loi Relationnelle Senpai – Kôhai n’est pas une question de choix, elle existe indépendamment de votre volonté. Il n’y a pas d’autre moyen envisagé (parce que culturel) pour que vous compreniez ce que sont les arts martiaux. « La Loi Relationnelle Senpai – Kôhai est une hiérarchie militaire ! » C’est à ce point que la Loi Relationnelle Senpai – Kôhai concernant deux individus rejoint la notion de groupe. Les reproches, conséquences des agissements d’un individu sont reprochables au groupe entier. Le groupe étant représenté par le sommet hiérarchique de la pyramide, c’est lui qui va en supporter les conséquences. Libre à lui de faire redescendre ou non la remontrance. (Qu’il choisisse de ne pas le faire ne devrait être qu’un cas de figure académique…) Ainsi, un pratiquant, arrivant en retard à un cours, manque de respect au professeur qui donne ce cours. Sur son propre terrain on pourrait éventuellement comprendre que le professeur n’y porte pas son attention, de manière volontaire, pour des raisons indépendantes de la volonté de l’élève, telles les raisons à caractère professionnel. Si le pratiquant est en déplacement (au hasard au Japon), qu’il a entrepris dans le but premier sinon unique de s’entraîner, le manque de respect devient flagrant. Si en plus le retard est dû à des agissements personnels – pour ne pas dire égocentriques – d’aller se promener ad perso sans permettre à son Senpai de lui donner les directives pour ne pas être en retard et ne pas commettre d’impair, alors il s’agit d’une faute, dont le représentant du groupe subira les conséquences, qui ne seront certainement pas perceptibles au Kôhai. Un tel comportement d’un Kôhai est une aberration qui ne devrait pas être. Si à ce point vous n’avez pas compris en quoi le Kôhai a commis une faute, je vous suggère de relire plus haut la notion de groupe et d’individu.Le respect est ainsi à double sens. D’autant qu’un Senpaî n’est jamais qu’un Kôhai qui a écouté son propre Senpai et qui a appris à apprendre des erreurs de ses Kôhai. C’est souvent pour cela qu’un Senpai va être compréhensif envers un Kôhai, mais il ne doit pas être condescendant, ni coulant. La Loi Relationnelle Senpai – Kôhai est à mon sens fondée sur le respect mais aussi sur le dialogue. Par expérience, je vois trop souvent des Kôhai discuter entre eux, et trop rarement s’adresser à leur Senpai. Ce type de comportement donne immanquablement des conflits. Je voudrais ici énoncer des remarques qui pourront sans doute aider :- Votre Senpai a raison. Pour un japonais, le mantra du Kôhai est « c’est mon Senpai, qu’il ait raison ou non ! » – Vous pouvez toujours trouver un Senpai pour lequel vous avez le plus d’affinités, et avec qui le dialogue sera plus aisé. - Vous pouvez dialoguer avec n’importe quel Senpai, ils seront très souvent ouverts et à votre écoute pour peu que vous sollicitiez leur attention de manière normale et respectueuse. – Le but de votre Senpai est de partager la passion des arts martiaux avec vous Kôhai. – Le Kôhai est taillable et corvéable à merci du moment qu’il a accepté la relation et que ce soit dans le but unique et non équivoque de sa progression martiale (ou personnelle selon la relation qui a été posée au préalable entre le Senpai et le Kôhai). - Votre Senpai a raison, surtout si c’est le Senpai de votre Senpai. Nous sommes des êtres humains. Et en tant que tels, nous pouvons, et nous ferons des erreurs. Ce n’est pas grave. Cette suite d’échecs nous conduira à la réussite (cf. L’Échec est le fondement de la réussite par Arnaud Cousergue). Mais là encore l’analogie de la hiérarchie militaire se rappelle à nous. Si il n’est pas grave et normal de faire des erreurs, il faut aussi en supporter les conséquences. Or les conséquences seront tout d’abord supportées par nos Senpai, il ne faut donc pas s’étonner, mais accepter de recevoir des remontrances de nos Senpai. C’est douloureux et désagréable, mais c’est l’une des rares manières d’apprendre vite. » C’est une loi : souffrir pour comprendre.  » EschyleEn résumé, la Loi Relationnelle Senpai – Kôhai est basée sur la confiance et le respect mutuel. Il vous appartient de découvrir, ressentir à quel moment vous risquez de dépasser les bornes et de ne pas franchir cette limite. ‘Savoir jusqu’où il ne faut pas aller trop loin !’

 

Bruno Vicaire

 

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